Histoire

L’HISTOIRE DE LA PAROISSE DE COLLEX-BOSSY

Origines: Aujourd’hui la paroisse de Collex-Bossy couvre l’espace situé entre la route des Fayards, la frontière française à l’ouest et au nord ainsi que la Versoix (et un bout au delà au Bois Baron) à l’est.  Au Moyen-Àge elle faisiat partie de la Seigneurie de Bâtie-Beauregard qui s’étendait jusqu’au lac, comprenant l’actuelle commune de Bellevue. Trois lieux de culte étaient alors implantés dans ce territoire: l’église de Collex, consacrée à St. Georges et St. Eloi, l’église de Bossy dont le patron était Saint Clément et la chapelle de St. Oyend à Colovrex, disparue à une époque inconnue. Les deux églises de Collex et de Bossy avaient différents  propriétaires féodaux, qui recevaient la dîme et nommaient les curés: celle de Collex relevait du Chapître de la Cathédrale, celle de Bossy de l’abbaye de St. Claude dans le Jura. Si les bâtiments des églises dataient probablement du 13e siècle, ils étaient  certainement précédés de sanctuaires plus anciens. Les historiens estiment que les paroisses genevoises, dont l’évêché existe depuis le 4e siècle, étaient constituées dans leur grande majorité avant le 9e sièecle. Nous nous trouvons donc dans une vieille terre chrètienne. Collex, Bossy et Colovrex n’ont cependant jamais été de grands villages. On parle de 30 feux (maisons) à Collex, ce qui signifie une centaine d’habitants. Les hameaux s’y ajoutaient.

La première mention écrite de l’église de Collex remonte à l’année 1258. Il s’agit d’un arbitragepar l’évêque de Genève, Aymon de Grandson, dans une querelle qui opposait le Chapître de la Cathédrale, propriétaire de l’église de Collex, et le Seigneur de Prangins qui s’était emparé des deux tiers de sa dîme. Nous avons aussi quelques rapports de vicaires épiscopaux lors de leurs visites pastorales régulières dans les paroisses. Souvent ils ordonnent aux paroissiens de mieux entretenir leur église. Ils reçoivent aussi les plaintes des fidèles, surtout depuis le début du 15e siècle où la paroisse de Collex était desservie depuis Moëns, autre propriété du Chapître cathédral. Ils dénoncent la négligence des prêtre qui laissent mourir les malades sans sacrements et les enfants sans baptême. C’est que le Chapître avait décidé de réunir ces deux paroisses, fort éloignées l’une de l’autre. Les curés résidaient à Moëns (actuellement en France) et délaissaient quelque peu Collex. Pour l’église de Bossy nous avons connaissance de quelques prêtres ou recteurs qui y résidaient.

La Réforme: En 1536 les troupes de Berne, qui avait adopté la Réforme en 1528 déjà, occupèrent non seulement le Pays de Vaud mais aussi tout le Pays de Gex. Ils y implantèrent par deux décrêts du mois d’octobre et du mois de décembre de la même année la Réforme protestante que tous les habitants devaient accepter par un serment qui dénigrait l’ancienne église. Le souci de former et encadrer les nouveaux fidèles revenait aux pasteurs genevois qui se montraient pleins de ferveur. Le culte et les instructions étaient obligatoires. La nouvelle foi s’implantait solidement pour près de 200 ans. Le duc de Savoie, en reprenant le Pays de Gex en 1564, et le Roi de France qui le lui reprit en 1601, laissaient la foi protestante en place tout en autorisant la foi catholique à se pratiquer dans quelques grandes communes. Sous l’inspiration de St. François de Sales, le Roi français voulait persuader et non contraindre les habitants des vérités de la foi ancienne. Cela s’avéra très difficile. Les Capucins, les Carmes et  les Ursulines furent installés à Gex, plus tard les Jésuites à Ornex qui entreprirent de vraies campagnes dans les paroisses souvent récalcitrantes. Le père Vitte, un des pères jésuites, rédigea des « Relationes » pour témoigner des efforts accomplis. Nous y trouvons aussi un passage sur la paroisse de Collex qui avait fait savoir au père Père Ménard, Supérieur d’Ornex, que tous les Collésiens souhaitaient abjurer la foi protestante. Ce fut fait, mais plus pour éviter des ennuis que par conviction. Personne ne se présentait à la messe que le père célébrait au château ni aux sermons. Il surprit même une conversation où deux habitants affirmaient qu’ils ne voulaient pas du tout devenir catholiques en vérité.

Révocation de l’Edit de Nantes en 1662: Louis XIV révoqua le fameux Edit de Nantes dans le Pays de Gex (proche de Genève) quelque 20 ans avant celui qu’il décréta pour le Royaume de France entier. Il fallut attendre le 18e siècle pour que la résistance protestante se calme. Si les évêques d’Annecy dont  le Pays de Gex dépendait, s’efforçaient d’envoyer des curés dans les paroisses, l’église de Collex était alors desservie par le curé de  Versoix d’abord, et de nouveau par celui de Moëns, par la suite. En 1734 l’église de Collex fut restaurée. A Bossy il y eut des prêtres résidents (en tout cas par intermittence) dès la fin du 17e siècle.

La Révolution française, saluée par les habitants de Collex, de Bossy et de Bellevue, parce qu’elle les libérait du Seigneur de la Bâtie-Beauregard, apporta un nouveau choc religieux. Le Pouvoir de la Terreur supprimait le culte et bannissait les prêtres. A Collex, l’église, sans doute déjà en mauvais état, fut louée au fermier du château comme grange. Mais ce bail fut vite dissout, car le toit défectueux ne protégeait plus les récoltes des intempéries. Sur ordre des révolutionnaires les communes furent obligées de détruire les clochers, ce qui fut le cas à Collex. L’église de Bossy avait un recteur, l’abbé Carlier, qui se cachait et qui restait près de ses fidèles. Avec le concordat de Napoléon en 1801 la situation se normalisait. La vieille église dut être restaurée tant bien que mal. L’église de Bossy, déclarée en ruine, a été démolie en 1807. Elle se situait au lieu dit « le Cimetière ».

Intégration dans le Canton de Genève: En 1816 la commune de Collex-Bossy, qui englobait toujours Bellevue, fut réunie, avec les 5 autres communes de la Rive Droite, au canton de Genève. Pour les paroisses cela signifiait une nouvelle confrontation avec la Genève calviniste qui ne doutait pas que ces communes seraient à nouveau « convertibles » à sa foi. Mais les contrats signés avec la France et la Savoie l’obligeaient à garantir le culte catholique qui était très encouragé, cette fois, par l’évêque d’Annecy qui délégait avec soin des curés à chacune des paroisses nouvellement genevoises. Grâce à l’abbé Jorand, qui publia en 1960  une histoire de la paroisse de Collex-Bossy, nous connaissons leurs noms et les initiatives pastorales qu’ils déployèrent. Il y avait l’abbé Merlin, le recteur de Bossy Carrier devenu curé de Collex, l’abbé Berset, l’abbé Bonguyod, l’abbé Ramel et, dès 1832, l’abbé Jean-Marie Dubois qui dirigeait la paroisse pendant 38 ans. Il a été un curé très actif et entreprenant. Après des siècles où les prêtres n’assuraient qu’une présence occasionnelle, l’abbé Dubois a vraiment construit un esprit de paroisse. C’est lui qui obtint de M. de Vincy le terrain pour construire la cure. C’est lui qui mena la bataille pour que l’ancienne église puisse être remplacée par un sanctuaire plus grand et plus salubre, notre église actuelle, construite en 1859/60.  C’est Mgr Mermillod qui a consacré la nouvelle église lors de sa visite pastorale en 1865. L’ancienne église de Collex avait St. Georges et St. Eloi comme patrons. En mémoire de l’église de Bossy on consacra la nouvelle église à St. Clément, son ancien patron. L’abbé Dubois aida aussi la commune à se défendre contre la sécession de Bellevue, demandée par  les nouveaux habitants genevois, protestants et riches, qui ne voulaient pas vivre sous  le gouvernement d’un maire paysan  et contribuer à financer une église nouvelle catholique. La séparation fut déclarée par le Conseil d’Etat en 1855.

Le Kulturkampf: Les difficultés soudent les communautés. A Collex-Bossy, comme dans toutes les paroisses  catholiques,  un nouveau gouvernement élu en 1870 et dominé par le conseiller d’Etat radical Antoine Carteret déclencha une bataille contre l’église catholique qu’il voulait soumettre à l’autorité de l’Etat cantonal en créant une « église catholique nationale ». Ne réussisant pas à convaincre le clergé ni les fidèles catholiques, il voulait user la force en confiscant les églises, supprimant le salaire des prêtres et en exilant le vicaire épiscopal Mgr. Mermillod. A Collex, l’église fut crochetée le 6 août 1877. Le curé Chambet dut remettre les registres de la paroisse à la police et le maire Marc Maréchal  fut destitué de sa fonction comme beaucopup d’autres autorités villageoises pour avoir refusé de céder les clefs de l’église. Il offrit à la paroisse un terrain de vigne pour y bâtir une chapelle qui abriterait la communauté. Seule une petite dizaine de personnes avait adhéré au projet du gouvernement Carteret. Ils occupèrent l’église pendant 19 ans à raison d’une célébration mensuelle. Cette bataille contre « l’ultramontanisme » (cela veut dire le gouvernement du pape romain au delà des Alpes) prit le nom de « Kulturkampf ».

La chapelle fut érigée en six semaines et on fêta  Noël dans ses murs. En 1896  le curé Chauffat  et le maire Jacques Maréchal réussirent à ramener une certaine entente entre les parties. L’église et la cure, non entretenues pendant ces années, furent remises à la paroisse catholique dans un état qualifié de « lamentable ». Pour l’anecdote: Le premier enfant baptisé dans l’église restituée fut Albert Maréchal, le seul prêtre que la paroisse ait donné à l’église jusqu’à nos jours. « C’était une iniquité! » disait-il de cette longue confiscation presque 100 ans plus tard.

Une paroisse fervente: Toutes ces difficultés avaient forgé une paroisse pratiquante, zélée, engagée dans un impressionnant nombre d’associations et de confréries: celle  du Rosaire, du Saint Sépulchre,  du Tiers Ordre, de la Sainte Famille, des Enfants de Marie, des Chantres et Chanteuses, des Jeunes Gens et la fameuse « Littéraire », animatrice d’une pièce de théâtre à la Saint Clément. Elle était connue comme étant « une bonne paroisse ». L’abbé Louis Bouchardy était son curé de 1901 à 1912. Il faut rappeler que le peuple genevois vota en 1907 la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les communes étaient obligées de remettre  aux paroisses les églises et les presbytères. En 1909 la paroisse fonda la « Société catholique romaine de Collex-Bossy, dite de St. Clément » pour administrer ses biens.

Pendant ces années, les curés faisaient prêcher des missions à des prêtres ou moines venus de l’extérieur. En 1917 l’abbé Chambet revint dans son ancienne paroisse après 5 ans de ministère de l’abbé Dominique Lanovaz. Il y vécut la fin de la première guerre mondiale, le temps de la grippe espagnole et les années économiquement difficiles qui suivirent. Il quitta définitivement Collex-Bossy en 1927. Pendant les 10 années suivantes, ce fut l’abbé Marcel Falquet qui donna une impulsion nouvelle à sa paroisse: il introduisit un bulletin paroissial,  il fit installer le chauffage à air pulsé et il recommandait de placer son argent à la caisse Raiffeisen fondée par Marius Constantin, un futur maire de la commune; il électrifia l’orgue. Il chargea surtout son cousin Jérémy Falquet, artiste peintre, de couvrir les décorations peintes de l’église par de nouvelles oeuvres auxquelles le conseil de paroisse n’avait pas consenti et qui ne plaisaient à personne sauf à lui. Il lui manquera donc le soutien des  paroissiens et l’harmonie qui permettent aux paroisses de porter des fruits. La question des peintures causa la démission d’une partie du conseil de fabrique (conseil de paroisse). Le curé Falquet fut déplacé à Chambésy en 1937.

L’abbé Jean Blanc prit sa succession et présida la paroisse St. Clément pendant les années de guerre, jusqu’en 1943. Il mit beaucoup d’énergie à forger une « famille paroissiale », aidé en cela par l’achat et la rénovation de l’ancienne école qui devenait maison paroissiale en 1938. Elle donna aux paroissiens la possibilité de se réunir dans différents cercles d’activités. L’abbé Blanc était très soucieux de réunir la jeunesse et les enfants qui contribuèrent à rendre active la vie de la paroisse. En 1942 le comte d’Hartois offrit à la paroisse l’icône de la Vierge, appelée, en pleine guerre, « Notre Dame de la Paix », qui orne toujours la nef de l’église.

L’abbé Lucien Maurice ne resta qu’une année à Collex-Bossy et fut remplacé par l’abbé Alain Caldelari qui prit son poste en 1944.  La fin de la guerre apporta une ère nouvelle: de plus en plus d’anciens petits paysans abandonnaient la terre et trouvaient de l’emploi en ville. La vie paroissiale en était touchée, elle était désormais moins un centre de vie. Le curé se rendit compte que les oeuvres paroissiales trouvaient moins d’intérêt, que moins de fêtes chaleureuses pouvaient se célébrer. Il songea aussi à un nouveau lieu de culte à Bellevue dont les catholiques étaient toujours rattachés à la paroisse St. Clément. Des réparations coûteuses, difficiles à financer, le remplissaient d’appréhension. En 1952 il accepta de devenir curé de Villars-sous-Mont (FR). Son successeur fut l’abbé Charles Jorand qui, peu à peu, réussit à raviver l’enthousiasme des paroissiens. Il trouva l’argent pour la sonnerie électrique des cloches et un changement de l’horloge du clocher. Il y eut une « kermesse de l’horloge »! Ensemble avec le conseil de paroisse et assistés  par l’architecte Albert Cingria, ils planifiaient la rénovation du choeur qui avait pour but d’éliminer les peintures de Jérémy Falquet. Pour financer les nombreuses dépenses, on vendit l’ancienne chapelle de la persécution à Emile Maréchal. Le projet de la vendre à la paroisse protestante fut combattu par le vicariat catholique. Mme Rita Wells, habitante de Bellevue, offrit alors à la paroisse un terrain pour la construction de la future église de Ste Rita. En vue de la fondation de cette paroisse on créa l’association catholique romaine de Genthod-Bellevue. L’abbé Jorand a vu aussi sa cure assainie par un travail « de corvée » des paroissiens et l’orgue restauré. Il quitta St. Clément en 1965.

L’abbé André Sottas qui arriva après lui sera le dernier curé résident de la paroisse. Il tenait beaucoup à la chorale qu’il dirige lui-même en un premier temps. Il aimait visiter les familles, les personnes âgées surtout. C’est lui qui fera construire l’église de Ste Rita avec ses impressionnants vitraux. Les kermesses qui reviennent chaque année et durent 2 jours sont un grand événement de la vie de la paroisse et du village. Mais les sociétés paroissiales déclinent peu à peu. Quand il est nommé curé de Versoix et de Collex-Bossy en 1978, s’initie le mouvement de regroupement de paroisses par manque de prêtres. On ne peut pas s’empêcher de penser à ce qui s’était passé au 14e siècle et à la constatation qu’une communauté privée de pasteur a tendance à se disperser.

Déclin de la vie paroissiale: La cure de Collex fut attribuée à l’ancien curé retraité du Grand-Saconnex, Edmond Chavaz, un prêtre très savant et indépendant qui passera 22 ans dans notre paroisse, maintenant toutes les cérémonies religieuses, donnant des cours à qui souhaitait approfondir sa foi, enseignant le catéchisme avec passion aux enfants et les menant à leur première communion; tout ceci jusqu’à ses 96 ans. La transition vers l’absence complète d’un prêtre résident se fit donc en douceur dans la paroisse de Collex-Bossy. Mais le travail proprement pastoral se faisait beaucoup  moins et, suivant la tendance générale, la pratique religieuse diminuait. En 2001 le souhait de l’abbé Chavaz de voir la résurrection du Christ dans le choeur de l’église, se réalisa. Sous l’égide de l’architecte Antoine Galeras on adapta le choeur de l’église à la nouvelle liturgie tout en réintégrant le mobilier d’origine. L’architecte réussit à redonner une belle unité de style à ce bâtiment néogothique. Le retable du grand peintre Arcabas exprime la résurrection, mais aussi toute l’histoire du salut.

L’abbé Pascal Gobet, l’abbé Edmond Kübler étaient des curés « in solidum » avant d’être remplacés, en 2001,  par l’abbé Vincent Roos, qui prit avec détermination le chemin du regroupement des trois paroisses, dont Collex-Bossy, autour de son siège à Versoix. L’idée était de réunir les conseils de pastorale, les catéchismes, le secrétariat. Les messes se faisaient plus rares, les Eucharisties dominicales n’étaient plus assurées régulièrement. Le renouveau paroissial n’eut plus lieu dans les paroisses extérieures qui vieillissent toujours plus. Ceux de St. Clément essayaient de discuter, de faire comprendre que ce mode de faire desséchait les paroisses extérieures. En vain, car le projet de l’abbé Roos était de réunir également les biens des paroisses dans une fondation qu’il avait crée à Versoix, ce que les paroissiens de Collex-Bossy ne voulaient pas accepter. Malgré une certaine jovialité et un charisme humain de l’abbé Roos, cette évolution créa de sérieuses tensions.

Depuis, l’abbé Olivier Jelen, ensuite le chanoine Chardonnens ont amorcé des  réflexions qui pouvaient amener un mouvement de nouvelle évangélisation dans l’unité pastorale. L’abbé Joseph Hoï qui vient d’arriver nous trouve pleins de confiance qu’il saura insuffler un vent de renouveau à la désormais petite communauté catholique de Collex-Bossy.

Anita Nebel

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